Dans le condor, les trois amis laissèrent éclater leurs rires, mais Zia fut la première à revenir à la réalité.
Z : Esteban, tu as vraiment l’intention d’aller voir ce Philippe ?
E : Et pourquoi pas ? au moins, on saura à quoi s’en tenir, et lui aussi !
T : Eh eh eh, j’ai hâte de lui faire une petite démonstration des pouvoirs du condor !
Z : Tu ne ferais pas ça ?!
E : Bah, s’il nous le demande, on ne pourra pas refuser, c’est le futur empereur, l’héritier de Charles Quint, Empereur des Romains, Roi des Espagnes, de Sicile, de Naples et de Jérusalem, et duc de Bourgogne !
Z : Et s’il nous forçait à les utiliser ?
E : Comment ? ne t’inquiète pas, Zia, on va juste lui rendre une visite de politesse, se présenter, et disparaître, il n’aura même pas le temps d’élaborer un plan machiavélique que nous ne serons déjà plus là ! Et sérieusement, tu ne crois tout de même pas qu’on va lui creuser une tranchée autour de son palais ?
T : Et lui prouver que le condor résiste aux boulets de canon en se faisant bombarder exprès ?
Z : Non, bien sûr, mais …
E : Fais-moi confiance, de toute façon ça ne sert à rien de se cacher, tu vois bien qu’il y a toujours quelqu’un pour être au courant de tout ce qui nous concerne, on ne sera jamais tranquille, à moins de prendre les devants.
T : Je suis d’accord ! allons-y sans tarder, il ne va même pas comprendre ce qui lui arrive !
Z : Et Mendoza ?
E : Mendoza ? Oh, c’est vrai qu’ils doivent passer ce matin, ils ne devraient plus tarder. Bon, on les attend et on file ensuite !
Soudain, un chant joyeux leur parvint du dehors, entonné allègrement par deux voix familières.
T : Eh, vous entendez ça ?
Z : Oui, on dirait…
déconseillé aux plus de 6ans, œil sensible s'abstenir (nonoko délire) E :…la gigue des marins !
« C’est la gigue des marins, qui s’en vont vers leur destin, c’est la gigue des marins, qui n’ont jamais peur de rien ! Ooohooohoooohoooh, Ooohooohooohoooh !!! »
Ils se précipitèrent dans le cockpit, et s’écrièrent tous les trois en même temps : « Pedro ! Sancho ! » Les deux marins leur répondirent aussitôt en chœur : « Eh…eh…eh oui, …c’est c’est nous ! »
Esteban, Zia et Tao, aussi surpris que ravis, s’empressèrent de les inviter à monter, afin de les serrer amicalement dans leurs bras.
E : C’est un plaisir de vous revoir, mes amis ! Il parait que les affaires tournent bien ?
P : Tu as tout à fait raison, mon p’tit ! ça fait déjà un bon bout de temps que toutes les tavernes de la région sont alimentées par nous-même, et nous avons monté une affaire d’import-export qui rapporte gros ! Bientôt nous serons connus dans toute la Méditerranée, de Barcelone à Cadix, de Venise à Naples, de Palma de Majorque à Oran, et toutes les cours d’Europe s’approvisionneront par notre intermédiaire !
T : Génial ! Et vous avez déjà des commandes de la Cour d’Espagne, je suppose..
S : Non, pa...pas pou…pour l’instant mais ça …ça ne sa…saurait pas tarder !
Zia lança un regard discret à Esteban, un clin d’œil discret suivit.
Esteban comprit rapidement le message, et sourit.
E : Eh, ben, Sancho, je pense que ta première commande royale ne va pas tarder en effet!
P : Pourquoi tu dis cela ?
Il le regardait sans comprendre, sourcils froncés, et fut plus étonné encore quand Zia prit la main de son fiancé.
Z : Eh bien, Esteban et moi allons-nous marier…
E : …et nous voudrions que vous assuriez la boisson.
S P : QUOI, VOUS ALLEZ VOUS MARIER ? ET VOUS VOULEZ QU’ON VOUS LIVRE DU VIN ?
Sancho et Pedro étaient stupéfaits, si stupéfaits que Sancho en oublia de bégayer, comme Esteban s’en fit la remarque.
S : Mm…mais c’est génial ! Alors, ce sera quand, et où ? Combien d’invités, de barils de vin ?!
E : Wow, du calme Sancho ! Je n’ai fait ma demande qu’hier !
P : Hum, évidemment qu’on accepte, wow, ça alors ! Mais ce cachottier de Mendoza ne nous avait rien dit, il va m’entendre, tiens, le voilà enfin ! Eh, c’est comme ça qu’on fait des cachotteries à ses amis ? On a failli avoir une attaque, nous, des surprises pareilles, à notre âge, c’est pas bon pour le cœur !
S : Ça ça ça, c’est vrai ! Cacaca, cachottier, va !
Mendoza et Isabella arrivaient enfin ; ils avaient laissé Pedro et Sancho partir devant pour que l’effet de surprise auprès du trio soit réussi. Mendoza souriait, mais Isabella semblait préoccupée, malgré la bonne humeur générale.
M : Alors les amis, vous voyez que ça valait la peine de marcher de bon matin dans les bois ! Une commande pour un mariage royal, ça n’arrive pas tous les jours !
P : Tu l’as dit ! mais ce qui nous fait le plus plaisir, c’est la nouvelle du mariage de nos deux petits, évidemment !
M : Evidemment…
S : Qui qui qui, qui l’eut cru, hein ? on les avait laissés tout mimi, tout minauds, et on on on les retrouve mamama, mariés, ça fait drôle !
P : Eh, attends, ils sont pas encore mariés, c’est encore un peu nos petits, hein ! Mais t’as raison, ça fait tout drôle…
Il écrasa une larme qui perlait au coin de son œil.
P : Bouh…comme le temps passe…
Z : Allons, Pedro, la vie vous sourit, à vous aussi ! Vous pouvez enfin en profiter !
P : Oui, mais je suis pas triste, je suis juste si ému…c’est une si belle nouvelle…
I : Oui, bon, c’est pas la peine d’en faire des tonnes non plus !
Tous se retournèrent vers Isabella, qui avait prononcé ces paroles d’un ton excédé. Consciente d’avoir jeté un froid, elle baissa les yeux, confuse, et bredouilla quelques excuses quasiment inaudibles, d’où il ressortait qu’elle se sentait fatiguée, comme ses traits tirés le confirmaient. Mendoza, si jovial un instant avant, avait l’air à présent aussi embarrassé qu’elle, mais son regard trahissait une inquiétude plus profonde. Zia fut la première à réagir et s’approcha d’Isabella pour lui proposer d’aller se reposer un instant au calme dans sa chambre. La jeune femme la suivit avec reconnaissance, soulagée d’échapper aux regards inquisiteurs des uns et des autres et à leurs questions. Mendoza la laissa partir sans intervenir et la regarda s’éloigner sans dire un mot.