Suite.
CHAPITRE 5. Explications.
Dans la salle des couronnes, durant la pause qu'il accorda aux Élus, le naacal de Sûndagatt recula d'un pas puis égrena une mélodie en sourdine, le regard concentré.
Un étincellement doré ne tarda pas à naître, nimba sa main droite et lorsque le phénomène s'estompa, Skagg tenait une fiole minuscule, de la taille d'un dé à coudre. Ce qu'il y avait dedans allait lui faire recouvrer la pleine possession de ses moyens.
Il déboucha le flacon laissant échapper une intense odeur de yangtao* frais.
Avec un sourire penaud, il annonça:
Skagg: Désolé, les enfants. C'est une dose unique.
Ces derniers répondirent d'un haussement d'épaules. Ils avaient soif, mais se moquaient bien de boire autre chose que de l'eau en un tel instant. Et la dose de cet étrange jus de fruits, effectivement, était risible.
Le naacal avala d'un trait le contenu de la minuscule fiole et lâcha un profond soupir d'aise.
Ses traits se mirent alors à luire légèrement de l'intérieur, tandis que le parfum du végétal inondait l'atmosphère tout autour d'eux.
Sous l'œil ébahi des ses deux élèves, les cernes de fatigue creusant ses traits s'estompèrent.
Skagg: Ah, je me sens tel le phœnix qui vient de renaître, au mieux de sa forme!
Skagg baissa la tête et son regard inspecta sa mise. Semblable à une loque, son épaisse robe bleue était froissée en maints endroits.
Skagg: Hum, un phœnix peut-être mais, en vérité, singulièrement dépourvu de ramages. Regardez-moi cette coupe grossière... Et cette bure qui me démange des pieds à la tête! Mortecouille et Saperlotte, cette misérable tenue ne correspond en aucun cas à celui que je prétends incarner! Il me faut absolument y remédier, sous peine de me voir foudroyé incontinent par la honte et l'inconfort!
L'homme-mystère leva l'index et chantonna quelques mots à la musicalité certaine.
Trois secondes plus tard, sa silhouette disparaissait dans un nuage de lumière vaporeuse et mordorée.
Lorsque celui-ci se dissipa, un Skagg transformé se tenait devant Estéban et Zia. Il arborait dorénavant une tunique jaune, un pantalon bleu roi, un gilet en laine mauve, des bottines en peau de chamois et une magnifique écharpe crochetée d'or, de jaune, de parme et de bleu.
Le fils d'Athanaos cligna des yeux, le temps de s'accommoder à cette subite débauche de couleurs. La magie du sage, basée sur le chant était pour lui inexplicable mais subtile, discrète d'emploi, et sans aucun doute beaucoup plus puissante qu'il n'y paraissait.
L'Élu se demanda si, en dépit des apparences, le singulier personnage qu'il côtoyait n'était pas en réalité l'égal d'un alchimiste.
Le naacal effectua une rotation sur lui-même, comme pour mieux se faire admirer:
Skagg: Ah, c'est mieux! Beaucoup mieux! Skagg est redevenu Skagg et les trompettes de son
moi résonnent à nouveau harmonieuses!
Skagg, si lunaire, un alchimiste? Skagg, si exaspérant de bavardage, l'égal d'un Ambrosius? Une telle association était risible et Estéban se gourmanda. Non, comment une idée aussi saugrenue pouvait-elle lui venir?
Il préféra revenir au concret et questionner le naacal:

: Où sommes-nous réellement, Skagg? Depuis que Zia et moi nous sommes téléportés en cet endroit, j'en suis venu à me demander si nous étions toujours sur Terre.
La jeune Inca renchérit:

: Et ces globes, dans le ciel, sont-ils des lunes ou des soleils? Sommes-nous le jour ou la nuit?
Skagg: Ah, que d'excellentes questions, mes enfants! Observateurs comme vous l'êtes, vous avez compris que les lois de cet univers étaient différentes des autres. Ce qui est normal, vu que nous sommes dans l'
Ailleurs. Y-a-t-il un cycle jour-nuit? Oui. Non. Tout dépend, en fait. C'est à dire que c'est une question... enfin, peut-être que si vous pouviez appréhender le théorème de la relativité, ou bien les bases du calcul spinoriel, je pourrais vous fournir une réponse claire.
Constatant que le jeune garçon fronçait les sourcils, l'homme-mystère se hâta d'ajouter:
Skagg: Je fais de mon mieux, je vous assure!
Le fils du soleil se massa l'arête du nez, tout en se disant que Skagg était un Tao à la puissance dix. Le temps de se calmer. Il reprit:

: Ce cycle existe-t-il, oui ou non?
Skagg: Oui.
Le naacal s'apprêta à développer, mais le jeune Atlante pointa sur lui un doigt sévère et poursuivit:

: Donc, ce cycle existe mais, contrairement à vous, Zia et moi ne pouvons pas nous en rendre compte, c'est ça?
Skagg: Tout à fait.

: Ah, vous voyez? Voilà justement une conversation comme je les aime, des questions-réponses simples, claires, précises... le genre d'échange que j'aimerais vous voir employer plus souvent. J'en ai marre des énigmes et des devinettes, moi!
Tout à fait hors de propos, Skagg s'écria:
Skagg: Ah-ah, encore trois équations de résolues! Plus que soixante-neuf... J'avoue, celle sur les flux lunaires m'a longtemps posé souci. Je vous fais grâce des secondes, mais cela représente tout de même cent quarante mille mois, douze jours et cinquante-huit minutes que j'y songe! Au fait, vous disiez, messire Estéban?
Dégoûté, ce dernier répliqua:

: Laissez tomber. Indiquez-nous plutôt comment trouver à manger et à boire dans votre univers. Nous sommes là depuis des heures et je meurs de faim et de soif, moi!
Skagg: Ah oui... effectivement. Il est vrai que les besoins du corps humain sont ridiculement redondants... sur certains points... voire sur tous! Hum, il y à là matière à débattre, n'est-il pas vrai? Un débat sans doute faussé par l'aspect... Enfin! Quoi qu'il en soit, chers Élus, vous aurez bien du mal à trouver du gibier en ces lieux. Tout autant qu'à trouver une auberge, une ferme où vous restaurer...

: Skagg?
Skagg: Oui, messire Estéban?

: À boire et à manger. Maintenant. Les mots ne nourrissent pas.
À cette tirade, les traits allongés de l'homme-mystère s'éclairèrent d'un grand et chaud sourire et il s'exclama:
Skagg: Ah-ah!
Puis il resta silencieux, tellement silencieux que Zia finit par demander:

: Ah-ah?
Skagg: Mais oui, par les Saintes Tablettes Naacal! Car, sachez, chers Élus, qu'en certaines occasions... je vous l'accorde, spécifiques... en certaines occasions, les mots peuvent suffirent à satisfaire, je dirais même combler tout autant l'appétit que la soif. Et je vous en donne incontinent la preuve!
Skagg recourut à son phrasé musical, pointant ses deux index sur eux. Il chantonna d'une voix très douce trois mots de pouvoir. Deux petites lumières tremblotantes, minuscules lumignons de mana doré, naquirent au bout de ses doigts. Le naacal ajouta un nouveau mot de pouvoir, clôturant ainsi son sortilège. Les lumignons magiques voletèrent jusqu'au visage des enfants, avant de s'enfoncer en plein centre de leur front.
Ils éprouvèrent une curieuse sensation, comme si une note de musique tintait, longue et délicate, dans tout leur être. Une note claire, distincte, d'une pureté absolue. Et lorsque ladite note cessa de résonner en eux, leur corps fut baigné d'une onde rafraîchissante qui les lavait de l'intérieur, comme si leurs oreilles se débouchaient soudain, leurs poumons respiraient plus d'air, comme si leurs sens étaient nourris par une sensibilité nouvelle. Revigorés des pieds à la tête, Estéban et Zia se sentirent dorénavant rassasiés de la soif comme de la faim.
Le jeune garçon balbutia:

: Mille écus! Mais comment...?
Skagg: Et voilà! Vous êtes désormais accordés aux flux énergétique de l'
Ailleurs. Ce qui veut dire que dans ce royaume, la lumière ambiante vous nourrit, vous n'aurez donc plus besoin de vous soucier de remplir vos estomacs. Et tout cela grâce à des mots!
L'homme-mystère marqua une pause, une longue pause, comme s'il écoutait quelque chose, un son lointain. Les enfants, eux, ne percevaient rien.

: Skagg?
Skagg: Oui? Hein? Euh, où en étais-je?

: Vous en étiez à...
Le naacal le coupa:
Skagg: Ah oui, nous évoquions tous trois l'excellence de mes talents! Bien sûr, la manœuvre n'a pu être possible que parce qu'il s'agissait de vous, chers Élus, et que nous sommes accordés sur tous les Plans d'existence, vous et moi.
Estéban grinça:

: Ça-y-est, vous recommencez.
Skagg: Je recommence?

: À débiter votre charabia sans vous rendre compte une seconde que je n'y comprends rien. Je ne sais pas pour Zia, mais moi, ça finit par me flanquer la migraine. Bon sang, faites simple, Skagg... faites simple ou vous allez m'énerver.
Skagg: Il est vrai que vous réclamez depuis longtemps une certaine vulgarisation dans l'essence de mes propos. Ah, pour sûr, si je n'étais occupé à résoudre ces soixante-neuf équations temporelles en même temps, tout en devisant avec vous deux, je serais moins brouillon!

: Écoutez, durant notre quête, la princesse Rana'Ori, les autres sages et vous-même avez échangé avec nous via un jeu de piste. Ensuite, nous nous sommes téléportés dans l'
Ailleurs par accident.

: Oui, Estéban et moi ignorions la seconde utilité du double médaillon. Nous ne savions même pas que c'était possible.

: Et l'air de rien, vous usez de magie à volonté, de magie puissante, je m'en rends compte, et sans qu'il semble vous en coûter... Ce qui me rend... ce qui nous rend curieux. Alors, je vais vous poser des questions simples et j'attends des réponses simples: qui êtes-vous, Skagg? Qui êtes vous réellement? Depuis que nous nous connaissons, depuis notre rencontre à Bâdalom en tant que lumino-projection, vous ne croyez pas qu'il serait temps de tout nous dire, non?
Skagg: Vous feriez mieux de reprendre vos exercices jeune Élu, car vous ne maîtrisez pas encore bien les pouvoirs de cette couronne sur votre royale tête...
Tout en croisant les bras, le fils du soleil refusa:

: Non! Je ne ferai rien tant que vous ne nous aurez pas apporté un élément de réponse.
Constatant que le jeune garçon ne fléchirait pas, le naacal balbutia d'un ton rapide:
Skagg: Je suis... non... j'étais l'un des hérauts de la maîtresse de ce royaume. Je ne le suis plus...
Il soupira:
Skagg: Je ne le suis plus, car je suis devenu le vôtre, mes enfants. Et comme j'aimerais enfin pouvoir tout vous dire... mais si je le faisais, les conséquences risqueraient de faire basculer l'univers tout entier. Que puis-je vous dévoiler? Dois-je aussi vous parler du destin de votre Ange gardien? Lui-même n'a-t-il pas le droit de savoir? Ce droit qu'il réclamera n'est-il pas légitime? Mais si je vous avertis, vous ferez la même chose à son égard et ainsi, cela changera le cours de ce qui sera et je n'ose, contrairement à la princesse, elle n'éprouve pas ces scrupules, je le sais bien. Et pourquoi je me refuse malgré moi à tout vous dire? Parce que dans tous les Possibles que j'entrevois, nombreux, bien trop, sont ceux où le capitaine Mendoza se transforme en un Ange assoiffé de sang et de destruction, non plus le vassal de dame Mort, mais son rival. Puis, il vainc la dame elle-même. Et il pulvérise le monde de sa colère. Il sombre et l'ensemble des Plans sombre avec lui. Hormis ma maîtresse, je suis le seul à savoir pour tous ces effroyables destins. Comment agir? Comment agir au mieux? Que décider? Et comment le préserver, lui, de tout ce qui l'attend? Le préserver tout en le laissant libre d'agir... Que de questions, que de nouvelles équations à résoudre... Par les Saintes Tablettes Naacal!
Skagg ne put développer son propos pour les Élus. À cet instant, des pas résonnèrent dans la salle des couronnes. C'était la princesse Rana'Ori, en train de contourner l'énorme cube d'orichalque en suspension. Elle avançait avec un écusson Alante entre les mains. Cette broche, qui autrefois appartenait à Tyrias, était le seul souvenir qui restait de lui...
Le sage de Sûndagatt tressaillit.
Skagg: Si tôt! Comment ont-ils pu...
☼☼☼
Cette nuit-là, seul sur sa couche, Mendoza rêvait qu'il faisait l'amour à Laguerra. Une Laguerra dont les cheveux d'un noir de jais, longs et soyeux, semblaient interminables, dont le corps était un appel à l'abandon, à la jouissance, une œuvre d'art, à lui seul.
Il la chevauchait. Elle le chevauchait. Ils se donnaient l'un à l'autre à grands coups de reins, leurs corps emmêlés, soudés, emportés par le même désir fiévreux.
C'était le genre de songe exquis qui semblait s'étirer dans le temps pour n'en jamais finir, et dont l'écho vous accompagnait toute la journée.
Le capitaine s'éveilla tendu de désir, l'esprit chaviré, son cœur battant à tout rompre. Quel message son subconscient tentait-il de lui faire parvenir? Y avait-il un message, au moins?
Oui, il y en avait un, il n'en doutait pas.
☼☼☼
La journée s'écoulait sous un soleil chaud au milieu d'un ciel limpide. Mendoza avança à grands pas dans le village. Sa dague sombre reposait dans sa botte gauche. C'était la seule arme qu'il portait, n'ayant pour l'instant pas prévu de sortir de la vallée.
Il n'avait pas vu Laguerra de la matinée et cette absence commençait à le titiller.

:
Où es-tu ma belle? À quoi passes-tu ton temps? Tu me manques. Tu me manques réellement mais c'est bon, si bon. Cela me prouve que je tiens à toi. Cette pensée me rassure et me vivifie tout autant qu'elle m'effraie.
Il avait envie de la voir, c'était même devenu une sorte de besoin qui l'élançait malgré lui. Songeant au rêve qu'il avait fait cette nuit, il la cherchait inconsciemment du regard. Il avait hâte de la retrouver. Cependant, pas dans l'immédiat car il avait une petite mise au point à faire.
Sortant de l'enceinte du village, le mercenaire finit par arriver au lieu de rendez-vous où l'attendait son opposant. En le voyant approcher, les yeux de ce dernier brillèrent mais il ne dit rien, se contentant de le saluer d'un signe de tête.
Tout en avançant, le capitaine songea au nombre incalculable de fois où ils s'étaient rencontrés et affrontés. Gaspard s'était montré un rugueux adversaire. Cependant, il n'était pas question pour lui de redouter ce qui allait se produire. Au contraire, fidèle à sa nature, il attendait avec un certain plaisir ce nouveau duel.
Ils étaient seuls. Pas un villageois en vue. Cette histoire ne concernait que les deux Espagnols.
Gardant toujours le silence, l'officier ôta sa tunique.
Mendoza se mit également torse nu. Ils arboraient le même ventre musclé aux abdominaux parfaitement dessinés, les mêmes pectoraux puissants. Ils étaient, à peu de chose près, de même taille, de même allonge. Le Catalan était toutefois plus mince, plus svelte.
À voir la corpulence du capitaine d'armée, il savait que ce dernier était supérieur en force brute, mais sans doute inférieur en vitesse de réaction.
D'un commun accord, ils se placèrent face à face. Aucun mot ne fut échangé. Pour des hommes de leur trempe, le temps n'était plus aux paroles.
Mendoza se concentra. Pas question d'user de sa lame. Du reste, il ne venait pas pour livrer un combat à mort.
Gaspard vint sur lui à grands pas, le visage contracté. Aussitôt à portée, il passa à l'action entamant un geste vif de la main droite. Une feinte, modèle du genre.
Le capitaine s'y laissa prendre. Il s'en rendit compte, mais c'était déjà trop tard. Son adversaire changea de pied d'appui et...
BLAM!
Le mercenaire avait commis une grosse erreur dans ses appréciations, le
balourd se révélant bien plus rapide qu'il ne l'avait pensé. Aucune parade, aucune esquive possible. Un uppercut très sec, comme surgit de nulle part, cueillit le marin sur le côté gauche de la mâchoire, suivi immédiatement d'un direct du droit sous la pommette. Un homme moins solide que lui aurait touché terre. La vision troublée, il frappa en retour par pur réflexe. Sa riposte du genou atteignit son concurrent au niveau des côtes. L'Ange gardien des Élus enchaîna en flanquant son coude en travers de la bouche de Gaspard.
La lèvre éclatée, celui-ci accusa l'impact à son tour. Cela ne l'empêcha pas de répondre d'un revers du poing dévastateur. Mendoza sentit venir le coup plus qu'il ne le vit.
In extremis, il recula la tête. Le poing adverse l'atteignit en haut de l'épaule. Juan réagit dans la seconde, abattant le tranchant de sa main en oblique dans le cou de l'officier.

:
Cogne, cogne, cogne!
Gaspard trébucha puis recula de quelques pas, le visage crispé par la douleur.
De son côté, le navigateur secoua la tête pour éclaicir sa vue.
Un lourd silence planait dans la savane.
Ils se toisèrent.
Posant ses mains sur ses larges hanches, adoptant une posture détendue, Gaspard sourit et cracha à celui qui lui faisait face.

: Alors, moucheron, tu vas te décider, oui?
Le même rictus se creusa sur le faciès de son opposant.
Ils s'élancèrent l'un sur l'autre et, dans un incroyable déluge de force brutale, les deux hommes échangèrent coup pour coup.
Le capitaine d'armée et le navigateur.
Deux rocs. Deux blocs.
Deux puissances brutes.
Mendoza grondait. Gaspard grognait.
Sueur et sang.
Hormis leur endurance, leur capacité à encaisser, la défense ne comptait pas, il n'y avait que peu de contre et pas d'esquive. Tout pour l'attaque, pour écraser l'adversaire. Il fallait tenir bon sur ses jambes. Tenir bon pour frapper. Frapper jusqu'à ce que l'autre tombe. Ce serait au plus faible de céder.
Mendoza reçut une gauche venimeuse dans les côtes, suivie d'un crochet du droit sous l'œil. Il riposta d'un doublet des deux poings dans le ventre du barbu et, d'un uppercut sec, il lui projeta la tête en arrière avant de lui asséner un crochet du gauche dans le cou.
Gaspard s'ébroua et allongea un revers du droit. Il fit suivre d'un coup de genou, d'un jab et d'un crochet à la mâchoire.

:
Je vais te défoncer, Mendoza!
Ce dernier bloqua le poing qui arrivait sur lui d'un pivot de l'épaule et sa gauche s'écrasa contre la barbe de son adversaire. Le militaire répliqua aussitôt en le tirant à lui pour mieux lui flanquer un coup de tête, qu'il fit suivre d'une droite sous le cœur.
Le Catalan hoqueta sous l'impact. Il lui sembla avoir été chargé par un troupeau de gnous. Gaspard avait pris l'avantage. Crochet du droit, doublé, crochet du gauche, frappe de l'avant-bras, direct, coup de genou. La tête ballottée de tous côtés, pilonné, encore et encore, acculé par le capitaine d'armée, Mendoza se retrouva au tapis.
Il resta une seconde sur le dos, puis roula sur le côté, cracha un jet de sang, et tenta de se redresser.

: Je vais t'écorcher vivant, comme on sait le faire par chez nous...
Le molosse prit son élan et lui balança un autre coup de botte dans le flanc.
Le mercenaire tressauta sous l'impact, cracha, toussa, tentant d'insuffler de l'air dans ses poumons malmenés. Il y parvint et, dans un incroyable effort, réussit à se remettre à quatre pattes.
Tout en tentant maladroitement de se relever, il bredouilla:

: C'est tout... ce que... tu as... grosse bedaine?
Le temps du troisième round était venu.
Les deux compétiteurs se tendirent l'un et l'autre, prêts à repartir à l'assaut.

:
Ah mais bravo, beau spectacle!
L'exclamation surprit tout autant Mendoza que Gaspard, les figeant sur place. Laguerra se tenait face à eux, les mains sur les hanches, pleine de colère. Ils ne l'avaient pas vue arriver.

: Je savais bien que vous me cachiez quelque chose, hier! Par tous les saints, qu'est-ce qui vous prend, tous les deux? Êtes-vous devenus fous?
Tout en essuyant le sang qui gouttait de sa bouche, Gaspard répondit:

: Un simple entraînement, señorita, rien d'autre.
Le mercenaire, dont la mâchoire palpitait de douleur, renchérit:

: Tout à fait.

:
Mais vous me prenez pour une idiote, ou quoi?
Le ton de l'aventurière avait grimpé d'un ton.

: Vous n'êtes pas en train de vous entraîner, mais de vous battre! Et je pense que je sais pourquoi. Osez me dire que ce n'est pas à cause de moi, cet affrontement...

: Voyons, señorita...

: Señorita, rien du tout! Ah, vous les hommes, de vrais coqs de basse-cour, il faut toujours que vous vous affrontiez pour savoir qui est le plus viril! Honte à vous qui représentez l'Espagne! Vous feriez mieux de vous comporter en êtres civilisés à l'avenir. Et puisque je dois vous mettre les points sur les i, apprenez, tous les deux, que je ne suis pas un trophée qu'on se dispute. Et d'ailleurs, Gaspard, je pense avoir été claire à votre sujet. Regardez Mendoza! Regardez-le bien et sachez que c'est lui, l'homme qui fait battre mon cœur.

: Pfff! Vous dites l'aimer alors que vous ne savez pratiquement rien de cet Ostrogoth! Tiens! Je parie que vous ne connaissez même pas son prénom!

: Pas plus que le vôtre! Pourtant, nous avons passé plus de temps ensemble, Gaspard...

: Juan-Carlos. Je m'appelle Juan-Carlos.
Tandis que l'aventurière esquissa un sourire, l'officier s'esclaffa franchement.

:
Ah! Ah! Ah! Ri-di-cu-le!

: Et toi, Gaspard? Quel est le tien, que je me gausse aussi.

: José... José-Maria.

: Oh! Incroyablement masculin comme prénom... Maria... Ceci explique pourquoi tu entretiens ton bouc depuis toutes ces années! Pour qu'il n'y ait pas de confusion!

: Eh bien, José-Maria, je vous demande à l'avenir de cesser de me poursuivre de vos assiduités, c'est assez clair pour vous?
La jeune femme n'attendit pas de réponse. Elle tourna les talons. Au passage, d'une voix plus posée, elle ajouta:

: Accompagne-moi, Mendoza, je dois te parler.
Le capitaine se rhabilla et, après un dernier regard à Gaspard, il suivit l'aventurière.
Un peu plus loin, elle se tourna vers lui et enchaîna aussitôt:

: Il faut toujours tout régler par la violence, c'est ça ta méthode? Il y a quelques jours, tu t'es battu en duel avec Ambrosius. Là, c'est avec Gaspard. Quel est le prochain sur la liste?
Mendoza haussa les épaules. Il ne savait pas quoi répondre.

: Enfin, ça ne vous est pas venu à l'esprit de discuter au lieu de vous taper dessus?

: C'est que nous avons un lourd passif.
Il soupira:

: Et puis, nous sommes des conquistadors, Laguerra, pas des diplomates.

: Ah oui, belle réponse! Moi conquérant, moi taper! C'est ça?

: Écoute, je crois que tu as été assez explicite dans ton propos, d'accord? Je le reconnais, on n'a pas été très malins, Gaspard et moi.
Il devait admettre en son for intérieur que la diatribe de la jeune femme était justifiée telle qu'elle l'avait présentée. Mais pour se montrer tout à fait honnête avec lui-même, la seule chose qu'il regrettait était de ne pas avoir mené ce combat à son terme. De ne pas avoir vaincu l'officier, en vérité. Il en ressentait une certaine frustration, un sentiment d'inachevé qui se traduisait en besoin: Gaspard et lui-même avaient toujours un compte en attente et la part la plus sombre de la personnalité du capitaine brûlait de démontrer qu'il était bien le plus fort.
Il n'en savait rien mais le militaire éprouvait exactement le même besoin de revanche.
Isabella, dont le ton s'était radouci, fit:

: Pas malin... oui, c'est le moins que tu puisses dire. Tu as mal?

: Plutôt, oui.

: Bien fait!
Sa mâchoire l'élançait bel et bien, à croire qu'il avait reçu des coups de marteau. Il ne sentait plus son épaule, celle-ci étant complètement engourdie et ses côtes lui faisaient souffrir le martyre. Il espérait que Gaspard dégustait autant que lui.
Laguerra semblait avoir recouvré son humeur habituelle. Elle passa son bras sous le sien.

: Allez, viens mon guerrier, je m'en vais te faire oublier tes douleurs, même si tu ne l'as pas vraiment mérité.
☼☼☼
Plantée sur un talus qui surmontait le croisement de trois routes perdues dans les bois, non loin de Goa, l'auberge de
La vache qui rit représentait un lieu de rendez-vous réservé à une frange de la population bien peu recommandable et bien souvent pourchassée par les forces Portugaises.
Édifié en planches de pin noircies par le temps, le bâtiment n'avait rien d'attrayant. Un étage pour les chambres, une étable qui lui faisait face, accolée d'un abreuvoir rempli d'eau trouble et d'un corral.
Si écarté fût-il des grands axes, l'endroit paraissait plutôt fréquenté.
Un cheval solitaire, un rouan de noble allure, attendait à l'écart, sa bride enroulée autour de l'une des barrières de l'enclos.
Un grand carrosse à quatre chevaux attendait face à l'entrée, de l'autre côté de la piste. Pour le garder, une escouade de douze alchimistes. De grands gaillards aux cheveux, à la moustache ou la barbe d'un roux plus ou moins foncé, armés d'épées, de dagues ou d'arbalètes. Tous vêtus de la même chasuble, tous fièrement campés sur leurs selles, l'œil vigilant. Tous issus de l'Ordre qu'ils servaient avec autant de fidélité que d'acharnement.
Quelques minutes auparavant, une autre bande, nettement plus débraillée, avait fait irruption devant l'établissement. Quatre d'entre eux avaient mis pied à terre avant de s'engouffrer dans l'auberge, laissant leurs compagnons repartir dans les bois avec leurs montures.
Farukh, le propriétaire des lieux, se tenait derrière son comptoir, occupé à se triturer la bouche à l'aide d'un cure-dents. À l'écart, hors de portée de ses oreilles, se déroulait une étrange assemblée à laquelle il n'avait aucune intention de se mêler. Il avait été fort bien payé pour devenir sourd et aveugle le temps de l'entrevue, et il tenait trop bien à son existence pour oser outrepasser les instructions qu'il avait reçues de Fernando Laguerra.
Car c'était bel et bien l'Ordre du Sablier qui avait momentanément pris possession de
La vache qui rit.
Ayant battu le rappel de ses informateurs en Inde, le docteur avait enfin pu sélectionner quelques-uns des assassins réputés les plus efficaces ou les plus impitoyables parmi ceux disponibles dans la région.
Nonchalamment assis, dos au mur, l'alchimiste trônait derrière une table, jaugeant ceux qu'il avait réussi à convoquer en ce lieu. Chacun de ceux qui se tenaient en face de lui avait la réputation d'un rude salopard, et c'était encore bien pire concernant ceux de la confrérie Thug.
Le premier avait pourtant l'air d'un homme distingué. L'héritier d'une bonne famille à la recherche d'aventure, peut-être. Les traits fins de l'Hindou exprimaient la mélancolie. Cela ne l'empêchait en rien d'éliminer sans merci la moindre de ses cibles.
Fawaz Singh avait les cheveux épais, bouclés, aux reflets noirs, une fine moustache et la bouche réduite à une simple fente. Il était vêtu d'un kurta, une ample chemise descendant à mi-cuisse, d'une dhoti, un pantalon léger et aéré, de babouches aux couleurs criardes et d'un baudrier d'arme rehaussé de sequins rutilants.
De taille moyenne, les épaules larges, la taille fine, les cuisses puissantes, Fawaz affichait le profil parfait du spadassin accompli, ce qu'il était d'ailleurs. Et pour renforcer cette impression, la poignée de son épée longue saillait, accrochée en travers de son dos. Il avait pris soin de s'asseoir à l'envers, le dossier de sa chaise contre son torse, une position qui lui permettait de dégainer sans être gêné et de frapper dans la foulée.
Ensuite, venait Mohan. Un contraste flagrant avec l'air distingué affiché par le spadassin.
Jamais Laguerra, ayant pourtant côtoyé Tétéola, n'avait vu un individu aussi costaud. Deux fois plus large qu'un homme normal, presque totalement glabre, le front bas, le nez pâle et camus. La mâchoire résolument prognathe, une bouche lippue aux dents jaunâtres, pour une bonne part ébréchées. Des orbites caverneuses, de petits yeux noirs brillant de mépris. Il était vêtu d'un gilet échancré, d'un pantalon à rayures et de bottes en peau à pointe recourbée. Ses bras nus étaient plus épais que les cuisses du docteur.
Après lui venaient les quatre Thugs. Les adorateurs de Kâlî, comme on les surnommait.
L'odeur musquée qui s'échappait d'eux laissait à penser sans trop d'hésitation qu'ils ne devaient pas goûter souvent aux joies du bain...
Les Thugs formaient une véritable troupe de prédateurs avides de violence, sans pitié aucune, sans respect, aussi vicieux, aussi infatigables qu'une bande de hyènes. Frères, cousins, oncles, neveux, personne n'aurait su dire combien ils étaient. Aussi tenace que du chiendent, capables de voyager des centaines de kilomètres pour rejoindre leur victime, ils se livraient tout autant au pillage, à l'extorsion, qu'au meurtre et autres joyeusetés.
Feringhea Thug était leur chef incontesté. Il régnait sur le destin des siens depuis trente années bien tassées. Mais le passage du temps n'avait fait que l'endurcir, l'assécher, le rendre plus méchant encore. Le vieux Feringhea était craint dans la région. Craint de tous ceux qui avaient croisé sa route, même des siens.
Le teint recuit par le soleil et sans doute l'alcool, les traits sillonnés par l'âge et l'expérience, ses yeux aux orbites saillantes n'affichaient aucun fléchissement. Au contraire, ses prunelles étaient des puits insondables de rage contenue et de ruse. Chauve, il portait une épaisse barbe tressées poivre et sel, et trois anneaux à l'oreille gauche. Ses pognes noueuses, aux ongles ras maculés de terre et de sang séché, semblaient capables de froisser l'acier.
Il était venu avec trois de ses fils, Chapal, Daha et Chitta, ces derniers adossés en retrait, contre un mur.
Des gaillards massifs aux chevelures grasses, ébouriffées, aux joues ombrées de barbes plus ou moins longues, vêtus de peaux retournées, tannées par l'usage, et pieds nus. À l'instar de leur géniteur, tous trois semblaient avoir été enfantés par un ours noir particulièrement acariâtre. Ils puaient la sueur et la fumée.
Les Thugs étaient seulement armés d’une corde ou d'un
ruhmal, une sorte de foulard lesté de cailloux pour briser la nuque de leur victime. Et s'ils paraissaient frêles par rapport à Mohan, ils n'en semblaient pas moins inquiétants.
Ambroise de Sarle était présent. L'alchimiste n'aurait manqué cette entrevue pour rien au monde. Soucieux de préserver son anonymat, il se tenait en retrait de Fernando Laguerra, installé contre le mur du fond, dans l'obscurité. Il avait en outre camouflé ses traits sous un large capuchon de sa robe qui moulait la silhouette de son alter ego, Zarès. Même ses mains disparaissaient sous des gants de cuir brun. Il se tenait assis, invisible, concentré sur les protagonistes réunis pour répondre à sa volonté.
Pour sa part, Laguerra se trouvait ravi d'avoir convoqué une confrérie aussi sanglante. Il partageait le même type d'instinct que ces assassins et, comme eux, il n'éprouvait aucun scrupule.
Inutile de leur proposer à boire, toutefois. Aucun d'eux n'était venu pour se détendre, ni même pour faire assaut de convivialité.
Aussi sûr de lui qu'à l'accoutumée, il reprit la parole:

: Messires, allons à l'essentiel. Si je vous ai réunis ici, c'est évidemment pour vous proposer un contrat. Mais je vais être très clair afin de vous éviter une mauvaise surprise: ce n'est pas une cible comme les autres qui vous attend, bien au contraire... elle représente un vrai défi car c'est d'un guerrier d'élite dont vous allez devoir vous charger!
Aucun des tueurs attablés dans la salle n'eut l'air impressionné. Au contraire. D'un geste appuyé, Fawaz Singh étouffa un bâillement. Feringhea Thug lâcha un reniflement méprisant, suivi du ricanement étouffé de ses fils. Quant à Mohan, il émit un rôt aussi sonore qu'un grondement d'orage.
Laguerra ne s'en laissa pas compter pour autant. Il enchaîna:

: Votre cible s'appelle Juan-Carlos Mendoza, c'est un Espagnol issu de la lointaine Catalogne, mais il ne vit plus là-bas depuis longtemps. Il est grand, il a les yeux noirs, porte une cape bleue et rouge, et il ressemble à ce qu'il est, une vraie puterelle aux cheveux bruns! Il est officier de marine mais ne vous y tromper pas. C'est un mercenaire, tout comme vous. Alors si vous tenez à votre existence, vous ne devrez en aucun cas le prendre à la légère. Il voyage toujours en compagnie de deux marins et de trois enfants...

:
Et de ta traîtresse de fille, cher docteur, mais ça, je me suis bien gardé de te le dire...
D'un ton léger, Singh s'enquit:
Fawaz: Pourquoi vouloir sa mort?

: Vous n'avez pas à en connaître la raison. La seule chose que vous devez savoir c'est que je paie fort bien... Vous aurez un avantage qui pourra faire toute la différence: la surprise. Mendoza ne sait rien de vous, ni ce qui l'attend... Avant que vous ne me posiez la question, je ne sais où le trouver. Pas encore. Mais d'après nos estimations, il est fort possible qu'il revienne ici, en Inde. Dès que j'aurai obtenu sa localisation, je vous la transmettrai et vous pourrez vous mettre en chasse. Bien sûr, rien ne vous empêche d'avoir recours à vos propres informateurs. Pour ma part, vous pourrez me laissez un message dans chaque succursale des comptoirs commerciaux sur les côtes de Malabar ou de Coromandel.
Mohan: Et la paye alors?

: J'offre trois cents pièces d'or à celui qui me ramènera la tête de l'Espagnol. Les autres, vous en faites ce que vous voulez.
Le docteur marqua une pause, le temps de laisser ses interlocuteurs digérer l'information. Une telle somme s'avérait supérieure, bien supérieure à leurs cachets habituels. Aucun des assassins ne feignait plus l'ennui, à présent.
Ses petits yeux désormais brillant de convoitise, Mohan ajouta:
Mohan: Et l'avance?

: Aucune. Vous remplissez le contrat et vous êtes payés. À prendre ou à laisser... Je gage que l'ampleur de la somme que je vous propose compense largement l'absence d'une avance, non?
Singh s'étonna:
Fawaz: L'un de nous aurait suffi, pourquoi nous embaucher tous? Pourquoi nous mettre en concurrence?

: Je vous l'ai dit, le capitaine Mendoza n'a rien d'un mercenaire ordinaire. Et puis c'est l'assurance pour moi que le contrat sera respecté et dans les meilleurs délais. En ce qui vous concerne, ma foi, voyez ça comme un défi amical, le moyen de tester vos talents face à vos confrères...
Feringhea Thug frappa la table de la paume de sa grosse main, maculée de terre et de ce qui ressemblait bien à du sang séché:
Feringhea: Moi, ça me va!
À son tour, Singh annonça:
Fawaz: Je prends le contrat!
Mohan: Je massacrerai cet Espagnol le premier!
C'est ce qu'affirma Mohan, sans se soucier du ricanement des Thugs.
Fernando Laguerra ajouta, histoire de bien enfoncer le clou:

: La tête de Juan-Carlos Mendoza. Rien de moins. Trois cents pièces d'or. Messires, je ne vous retiens pas. Bonne chasse à vous!
L'entrevue était terminée. Sans plus un mot, les tueurs se levèrent. Singh se dirigea vers le comptoir pour se commander à boire.
Feringhea rejoignit ses fils et échangea quelques paroles avec eux de sa voix gutturale.
Mohan sortit le premier. Il ne semblait pas avoir de monture. Une fois sur le perron, il s'étira de tout son long, encore plus impressionnant debout. Ils dévisagea les hommes qui gardaient le carrosse, les défiant du regard. Puis, dans un petit rire, il longea la taverne à grands pas et s'enfonça directement entre deux fourrés, disparaissant vers le sud-ouest.
Fawaz sortit à son tour, sifflotant une rengaine entre ses lèvres. Il enfourcha le rouan et partit au petit galop, sans un regard en arrière, empruntant la route côté sud.
Les Thugs quittèrent l'auberge les derniers. Feringhea porta deux doigts à sa bouche et poussa un sifflement strident mais habilement modulé. Quelques secondes plus tard, les cavaliers de son clan surgissaient au galop du couvert des arbres, se rangeaient devant lui. Il récupéra son cheval, un puissant étalon noir. Une fois hissé en selle, imité par ses fils, d'un grand geste, il donna le signal du départ.
La meute disparut dans un poudroiement de poussière.
À suivre...
*
*Yangtao: littéralement pêche-soleil ou pêche du mouton. Ancien nom du kiwi en Chine. Il poussait à l'état sauvage dans la forêt longeant le fleuve mais n'était pas cultivé, il était simplement cueilli par les Chinois qui l'appréciaient.